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Consécration du droit des passagers aériens : Quand la CJUE rappelle à l’ordre la Cour de cassation

Oct 28, 2019

Après 3 années d’une bataille juridique acharnée menée par plusieurs avocats défenseurs des passagers aériens, la CJUE vient enfin de faire primer l’intérêt des consommateurs sur les intérêts partisans des compagnies aériennes et la politique d’endiguement du contentieux par les juridictions nationales.

En un mot, il n’est plus nécessaire d’avoir conservé sa carte d’embarquement pour obtenir l’indemnisation prévue par le règlement 261/2004 en cas de retard aérien, d’annulation de vol ou de refus d’embarquement.

Pour mémoire, et afin de se soustraire au respect de leurs obligations, les compagnies aériennes avaient soutenues qu’il appartenait aux passagers aériens de rapporter la preuve « quasiment impossible » qu’ils s’étaient présentés à l’enregistrement afin de pouvoir être indemnisés en cas de retard.

Malheureusement suivies sur ce point par la juridiction de proximité d’Aulnay-sous-Bois, la question avait été portée par le Cabinet devant la Cour de cassation, la juridiction de première instance ayant en effet estimé que la preuve de cette présentation pouvait être faite par la production, par les passagers, de leur carte d’embarquement.

Par un arrêt contestable ayant ruiné la St Valentin de nombreux avocats du cabinet (Cass. Civ. 1, 14 février 2018, pourvoi n°16-23.205), cette dernière avait estimé que demander aux passagers de rapporter la preuve de leur présentation à l’enregistrement ne constituait pas une preuve impossible.

Alors que la Cour de cassation avait, jusqu’à ce jour funeste, adopté une vision juste et protectrice du consommateur en rappelant que la prescription était quinquennale et en dispensant le passager de rapporter la preuve du retard ou de l’annulation (obligation incombant à la Compagnie), elle s’est étrangement faite défenderesse des intérêts des compagnies, et ce en dehors de toute logique juridique.

Par deux arrêts en date des 12 septembre 2018 (pourvoi n°17-11.361) et 10 octobre 2019 (pourvoi n°18-20.491), elle a confirmé cette position fort critiquable en mettant à la charge des passagers, simples consommateurs face à un professionnel, la preuve de présentation à l’enregistrement dans les délais impartis, quasiment impossible à rapporter, et que détient en tout état de cause la compagnie aérienne.

Fidèles à leur rôle, les cabinets de Joyce PITCHER et MAIRESSE AVOCATS ont convaincu les Tribunaux d’Aulnay-sous-Bois et de Nice de faire remonter plusieurs questions préjudicielles à la CJUE (n.d.r. le renvoi préjudiciel permet de demander à la CJUE d’interpréter un texte communautaire de manière à permettre une application harmonisée dans tout le territoire de l’Union européenne).

La CJUE a été ainsi saisie de 3 procédures préjudicielles (C-756/18, C-286/19 et C-395/19) visant à déterminer si la preuve de présentation à l’enregistrement incombait ou non au passager, et si celle-ci devait être rapportée par la carte d’embarquement. 

C’est à cette question que la CJUE vient de répondre de manière tonitruante dans la première affaire dont elle a été saisie.

La solution nous arrive, non par la procédure classique d’un arrêt exposant en détail le raisonnement juridique de la Cour, mais par une simple Ordonnance prise en application de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour de Justice.

Cet article prévoit que la CJUE peut statuer par ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable.

En substance, les Juges européens infligent un camouflet à la Cour de cassation, en prenant son parfait contre-pied tout en précisant que la réponse apportée ne laissait place à aucun doute raisonnable.

Dorénavant, il appartiendra à la compagnie aérienne d’établir que le passager n’a pas pris son avion si elle souhaite se libérer de son obligation d’indemniser ses clients pour le retard important qu’ils ont subi.

Cette décision conforte la position du Cabinet MAIRESSE AVOCATS et ne peut que renforcer son implication dans la défense permanente et quotidienne du droit des consommateurs passagers aériens.

 

Pour aller plus loin :
CJUE, Ordonnance du 24 octobre 2019, C-756-18